L’Allemagne quitte la zone euro : une hypothèse de plus en plus envisageable
Selon les dernières données de la Banque des Règlements Internationaux, l’Allemagne possède une créance sur les banques étrangères qui peut se répartir comme suit (en Mia €) :
D’autre part, elle a une dette envers les établissements financiers européens qui s'identifie comme suit :
A la lumière de ces chiffres, nous pouvons constater que l’Allemagne possède une dette nette - une dette plus importante que ses créances – envers la France (à hauteur de 82.30 Mia), l’Italie (82.70 Mia) et le Japon (65.80 Mia)
Dans l'analyse du scénario d’une sortie de l’Allemagne de la zone euro, nous allons partir de l’hypothèse que l’Allemagne émet un nouveau Deutsche Mark (DEM), qui, émis à la parité pour simplifier, vaudrait 1 €.
Son ancienne dette resterait entièrement évaluée et remboursable en €, mais elle lancerait immédiatement un nouvel emprunt d’une durée de 12 à 18 mois, libellés en DEM, qui rembourserait l’intégralité de sa dette extérieure, soit dans ce cas 832 Mia €.
Nous n’avons aucun doute sur la souscription intégrale de ce nouvel emprunt, lancé à des taux identiques, si pas inférieurs aux taux à laquelle l’Allemagne emprunte à l’heure actuelle – soit des taux réels négatifs puisqu’ils sont en tout état de cause inférieurs à l’inflation - tellement la confiance des créanciers serait intacte vis-à-vis de cette nouvelle monnaie forte.
Très vite, cette nouvelle monnaie s’apprécierait face à un euro de plus en plus faible.
En prenant l’hypothèse d’1 néo-DEM qui vaudrait 2 € endéans la première année de son lancement, les souscripteurs du premier emprunt allemand – qui devraient obligatoirement être les pays de la zone euro - seraient triplement gagnants :
(i) immédiatement, en encaissant le remboursement de leur créance allemande dès la levée de fonds du premier emprunt en DEM, qui leur servirait alors à alléger le fardeau de la dette par un deleveraging rapide que ces pays cherchent actuellement à tout prix,
(ii) d’autre part, après 12 ou 18 mois, en encaissant 100% de la valeur de leur emprunt en devise à l’échéance, ils reconvertiraient les nouveaux DEM ainsi perçus, pour en obtenir mécaniquement le double dans leur devise nationale. Leur dette nominale vis-à-vis de l’Allemagne serait divisée par deux, et donc le poids de la dette serait mécaniquement très significativement réduit.
(iii) et enfin, les pays les plus faibles ayant pu profiter de la revalorisation cette nouvelle devise forte, devraient obligatoirement affecter le surplus généré par cette opération à l’apurement d’autres dettes souveraines.
Ce choix pénalise à première vue fortement la balance commerciale allemande, puisque la théorie veut qu’une devise forte pénalise les exportations.
Ce déficit peut être évité par une action de la nouvelle banque centrale allemande, action qui serait ciblée sur l’orientation des taux.
A contrario, c’est aussi une bonne nouvelle puisque les autres états européens trouveraient dans le dynamisme de leurs exportations – par une hausse des importations allemandes - le relais de croissance qu’ils cherchent actuellement.
Choisir l’exit du pays le plus fort de la zone euro– dont la devise était d’ailleurs déjà très surévaluée lorsqu’elle a été convertie à l’€ – est donc probablement la solution la plus raisonnable pour arrêter la fuite en avant et enfin s’attaquer à la réduction de cette bulle de crédit, de manière très ciblée et raisonnée.
Si le pays le plus faible quitte la zone –sans aucune chance de relancer son économie ni une monnaie dont aucun créancier ne voudra- lui succédera un autre pays faible au sein de la zone euro, qui prendra une posture similaire, et tôt ou tard demandera aussi à quitter la zone euro, sur base du très mauvais signal qui aura été avalisé par les autorités.
Une fuite en avant qui perdurerait.