La Grèce tout proche du défaut ?
Depuis le temps que le FMI et l’Europe colmatent les brèches du vaisseau grec en lui apportant de la dette nouvelle pour l’empêcher de couler, ce qui serait pourtant louable afin d’assainir la situation de fuite en avant dans laquelle ils sont engagés, faisons le point sur l’état de ce pays.
Le « plan de sauvetage » de la Grèce prévoit une sortie des soins intensifs et un retour de ce pays sur le marché des capitaux dans 8 mois, début 2012.
C’est un engagement intenable pour l’heure, les taux de refinancement de la dette grecque à 2 ans s’élevant à ..25%.. sans que les marchés ne s'en inquiètent !
La charge de cette dette plomberait encore davantage leur déficit, et le ratio dette publique/PIB qui s’élève déjà à158%.
A ce stade, la Grèce - en précurseur, et probablement suivie par l'Irlande, comme nous le montre le tableau de projections du FMI ci-dessous- deviendrait le laboratoire d’une japonisation de l’Europe, monstre de dette sans plus de croissance économique, souffrant d’un taux de chômage élevé, d’un taux d’épargne très significatif empêchant un retour de consommation durable tellement souhaité par le monde politique, monde politique qui d’ailleurs continue de ne pas vouloir anticiper cette échéance, hormis peut-être l’Allemagne, via les déclarations de son ministre des finances.
A ce propos, il est d’ailleurs frappant de voir le contraste entre les ambitions politiques et la volonté populaire, qui, lorsqu’un avis lui est demandé, par exemple en Islande et Finlande – et sans que nous cautionnions ce vote d’extrême-droite - a demandé qu’on laisse tomber ces pays en difficulté, sans continuer les renflouements perpétuels, les « bail-outs ».
Il y a donc fort à penser qu’un défaut de la Grèce, sans compter qu’ une restructuration de sa dette pourrait entraîner d’autres pays dans sa chute, se profile avant la fin de l’année.
Et qui seront les perdants ? Les établissements bancaires européens bien sûr, qui, selon la BRI, possèdent à leur actif 154 Mia USD de papier grec.
Imaginons une fourchette basse de 50% de reniement ou d’effacement de dette grecque, et les banques devraient inscrire une dépréciation d’actifs de 77 Mia USD dans leurs résultats.
Selon Reuters, BNP Paribas, Société Genérale, Dexia, et Commerzbank auraient chacun une exposition supérieure à 3 Mia EUR (4.2 Mia USD) à cette dette grecque.
C'est l'occasion de souligner une nouvelle fois notre aversion pour le secteur bancaire et des assurances, et certainement encore plus du papier obligataire souverain.
L'Euibor donne le ton, la BCE suit
La BCE a relevé son taux directeur d'un demi-point la semaine dernière
Cette hausse des taux fait toujours suite à un réveil de l'Euribor, le principal taux interbancaire européen, qui est en hausse depuis début 2010. Depuis 15 mois donc.
Il faudra maintenant suivre attentivement cette hausse de l'Euribor et savoir sortir des marchés à temps. car il faut garder en mémoire que les "trous d'air" significatifs sur les marchés financiers - mars 2001 et septembre 2008 - faisaient suite à une période de hausse du taux interbancaire : 22 mois pour la première, 27 pour la seconde.
GFMS et un point sur l'or
GFMS, une société très écoutée qui offre des services de consultance en matières premières, a sorti son rapport annuel sur les perspectives de l’or.
Il voit l'once évoluer entre 1'319 et 1'620 USD cette année, et surtout pense que l’or a déjà touché ses plus bas de l’année précédemment, lorsque l’once était allée retrouver les 1'300 USD, et ne serait pas étonné de voir l’or percer le seuil des 1‘600 USD assez rapidement.
L’on apprend aussi que le FMI, dont on connaît la capacité à vendre en bas de cycle, et à racheter « à la pointe», s’est défait en 2010 de 403.3 tonnes d’or, et occupe donc la première place parmi les vendeurs d’or, paradoxal pourvoyeur d'achats faits à bon compte par les "spéculateurs" dont il a fait sa tête de turc.
Alors nous reprenons un de nos graphiques favoris, celui qui montre l’once venir régulièrement se reposer sur sa moyenne à 23 jours, avant de repartir de l’avant, et qui nous rassure sur la continuation de cette hausse, limitant dans l'immédiat sa baisse potentielle à 5% en cas de retour vers 1'392 USD;
Nous avons déjà évoqué précédemment le fait que l’or se « remonétise » face aux monnaies traditionnelles sous l’effet de la création inflationiste par les banques centrales, et donc n’est plus à considérer comme une ‘simple’ matière première, prise dans une bulle potentielle.
Sur le long terme, nous voyons que la cassure des 1'600 USD dont question dans l’étude de GFMS, sera une importante étape dans la continuation de l’appréciation de l’once.
Solvay-Rhodia : la fin d’une action de « bon père de famille » ?
Il ne se passe pas un jour sans qu’une opération financière ne soit annoncée. En bon contrarien, nous suivons ceci avec intérêt, sachant que la reprise de l’activité des fusions-acquisitions, en route depuis plus un an maintenant, sert souvent de témoin indicateur d’un plus haut sur les marchés.
En témoigne encore ce jour l’éditorial enchanteur du dossier y relatif de Capital-Finance.
Solvay a annoncé hier avoir fait une offre amicale de rachat au conseil de Rhodia, qui l’a acceptée. Cette offre sera sans aucun doute un succès.
Rhodia est issue du démantèlement de Rhône-Poulenc, pour les anciens, et a été notamment entachée par plusieurs scandales lorsque le politique a pris le dessus dans cette scission franco-française , ou encore singulièrement lors de l’affaire des « bonus de moyen terme » octroyés aux dirigeants en 2004 pour se parer contre leurs propres moins-values boursières sur le titre de la société qu’ils dirigeaient..
Penchons-nous d’abord sur l’évolution graphique de ces deux entreprises.
Solvay n’est pas insensible aux cycles conjoncturels, mais dans l’ensemble, se comporte sur la durée comme une obligation indexée : rendement stable permettant de compenser les soubresauts.
Une autre chose saute aux yeux : la valeur de reprise de Rhodia faite par Solvay ne permet à l’actionnaire de la première heure de retrouver ses billes, puisqu’elle a été introduite en 1999 à un cours largement supérieur au prix de l’offre.
La valorisation ensuite : Solvay donne à Rhodia une valeur d’entreprise, soit la capitalisation boursière majorée des dettes financières, supérieure à 6.6 mia EUR. C’est 1,2 fois le chiffre d’affaires, 11 fois le résultat d’exploitation, ou 25 fois le résultat net, des ratios qui sont largement supérieurs à la moyenne du secteur, qui cote en moyenne à 75% du CA et moins de 8 fois le Rex.
D’autant plus que la chimie est un secteur très sensible à la résurgence de l’inflation que nous suivons et voyons poindre depuis quelques temps. Une érosion des marges peut mettre à mal le profil défensif que développait Solvay avant cette opération.
Enfin, il faut rappeler que Rhodia était moribonde il y a quelques années, ayant opéré de multiples augmentations de capital (2004 et 2005 notamment) puis vendu en 2006 et 2007 différents départements (silicone, fibres industrielle, etc) à bas prix pour se sauver.
Nous espérons que la masse de liquidités dont disposait Solvay avant cette opération, suite à la cession de son activité pharmaceutique, ne servira pas à renflouer sa nouvelle filiale.
Bien sûr nous ne sommes pas en mesure, sur base des modalités de l’opération, de détecter les synergies qu’un rapprochement entre deux sociétés, qui globaliseraient sur papier 12 Mia de chiffre d’affaires, peut faire économiser sur les charges opérationnelles, mais a priori cette acquisition ne s’est pas faite en cherchant une décote sur le prix des actifs rachetés ni en cherchant une société sans ou avec peu de dette, ou ayant un matelas de liquidités, comme nous l’aurions apprécié.
Le profil défensif de Solvay s’est dégradé.