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Confiscation, bidouillage et fuite en avant : Chypre 5ème pays "sauvé" sur 17
Nous avons tous suivi l'épisode chypriote avec intérêt et avons pu noter que, avec la confiscation d'environ 40% de la fortune des plus riches pour sauver le système banque-état, le droit élémentaire à la propriété privée s'est vu bafoué par la Troïka (FMI, BCE, UE).
De nouveau pour sauver un Etat très bancarisé - les actifs bancaires de Chypre sont 5 fois supérieurs à son PIB - et repousser à plus tard l'éclatement officiel de la zone euro. Officiel car l'on peut déjà considérer que la Grèce et Chypre en sont déjà sorti, leur monnaie nationale valant de facto, par ces différentes dévaluations confiscatoires, beaucoup moins que la monnaie de leurs voisins, phénomène aggravé encore par le fait qu'ils soient plus importateurs qu'exportateurs.
Nous avons aussi pu noter que la solution choisie par l'Islande en début de crise - laisser ses banques faire faillite pour ne pas couler l'Etat et renouer avec la croissance - fait petit à petit son chemin.
Chypre est le cinquième pays à se faire aider par le contribuable européen via la Troïka, après la Grèce (2 demandes pour un note de 110 Mia € en mai 2010), l'Irlande (67.5 Mia€ en novembre 2010), Le Portugal (78 Mia€ en avril 2011) et l'Espagne (une première tranche de 100 Mia€ en avril 2012).
En ce sens, l'on peut aussi réaliser que les contribuables et épargnants chypriotes se sont eux-mêmes enfoncés, en apportant leur aide à la Grèce.
Rappelons aussi que le MES, fonds de sauvetage européen, est doté de 700 Mia€...dont un tiers est censé provenir des 4 pays cités plus haut ! Nous ne voyons toujours pas à ce jour comment il pourrait un jour venir en aide à l'Italie, dont la dette publique culmine à 1'900 Mia€, puis à la France.
Revenons à Chypre. L'on fait payer la crise à de prétendus tricheurs, fraudeurs, évadés fiscaux, mais il est parfois utile de se souvenir des événements récents, et de la mollesse et l'incapacité dans la fuite en avant du monde politique.
Souvenez-vous que le 2 avril 2009, le G20 avait établi une liste des paradis fiscaux.
Magnifique liste qui blanchissait notamment Monaco, le Delaware, Andorre, Jersey, Guernsey, toutes "filiales" de membres du G20, mais qui reléguait notamment l'enfer fiscal belge sur une liste grise..
Lavée de tout soupçon aussi : Chypre, qui était citée comme modèle de coopération, puisqu'ayant signé les 12 accords de coopération. Elle méritait donc de figurer sur la liste des blanchis.
Tout le monde se congratule, la photo finale du G20 de Londres est belle, mais la différence de niveaux de taxation entre états membres s'est encore accentuée depuis lors.
La fiscalité européenne cultive ces différences et rien n'est entrepris pour dissuader les "évadés" de ne pas continuer à affluer à Chypre, en choisissant une voie de taxation moindre.
La leçon pour les épargnants européens est claire, en tous les cas : il ne faut pas laisser plus de 100'000€ (ce montant pourrait même être dévalué converti en actions bancaires à Chypre..) sur un compte logé dans une seule banque, choisie avec grande attention car il ne faut pas oublier que prêter son argent à une banque revient à investir dans sa dette et, quitte à ne rien en obtenir comme rendement, autant en placer une bonne partie en or physique, dont l'appréciation sur l'euro est permanente.
Idéalement le reste serait converti en une devise sous-évaluée et solide, comme le dollar de Singapour.
Grèce : quelques idées préconçues
La stratégie de fuite en avant, à fonds perdus, qui vise à retarder au plus la résolution de la crise de la dette par un monde politique impuissant, présente souvent le cas grec comme un cas isolé, totalement indépendant de « la grande forme » qu’affichent les autres pays européens, parce que les Grecs sont des paresseux, des tricheurs et autres profiteurs des allocations sociales.
Afin de rester critique et ramener de l’objectivité dans ce débat, il nous a semblé intéressant d’analyser quelques chiffres.
Selon Eurostat, qui compile les statistiques propres à chaque pays de l’union européenne, le taux de pauvreté - qui est atteint statistiquement lorsque le salaire d’une personne est inférieur à 60% du revenu moyen national, y inclus les allocations sociales – était le plus élevé en Grèce, suivie de près par le Portugal, l’Espagne et l’Italie sur la période 1995-2010.
Or si les allocations de chômage étaient plus élevées, et comme elles sont intégrées dans ce calcul, le taux de 20,4% se serait mécaniquement réduit, et pourrait contribuer à réduire ce taux de pauvreté.
Notons au passage que le pays où le seuil de pauvreté est le plus élevé, avant distribution de ces allocations sociales (chômage et pensions) est..la France, dont l'argent public contribue à réduire ce taux de 43 à 13,8% !
D’autre part, les chiffres nous montrent que les Grecs sont ceux qui travaillent… le plus au sein des 27 pays de l’union européenne, avec une moyenne de 43,7 heures de travail par semaine en 2010 ou 42,1 heures en 2011, à mettre en correspondance avec la moyenne européenne de 37 heures/semaine.
Enfin, la pression fiscale en Grèce, avec 34% en 2010, était certes loin des 50% de la Belgique, et sous la moyenne européenne de 39%, mais laisse peu de marge de manœuvre pour équilibrer les comptes grecs sans enfoncer sa population elle-même dans ce cercle vicieux de la pauvreté.
Grèce : 50% de « haircut », un trompe-l’œil insuffisant
L’ultime des « sommets hebdomadaires bilatéraux européens » a donc accouché d’une résolution qui va faire renoncer aux banques créancières une partie de la dette grecque, soit 100 Mia €. Un montant décidément fétiche pour la Grèce.
D’un autre côté, le « fonds de secours » européen sera pourvu – sur papier seulement– de 1'000 Mia € afin de secourir les pays qui seront frappés d’un effet domino. Cette mesure anticipe la prochaine mesure de la BCE, qui demandera une augmentation des billets en circulation.
L’on nous indique que l’abandon de créance correspondrait à 50% du total de la dette grecque. Ce n’est pas correct.
Car si l’on rajoute aux 205 Mia € « visibles » de dette publique détenue par le marché, la part des emprunts émis par l’état grec et rachetés par la BCE – en contradiction avec ses statuts – qui s’élèvent à environ 75 Mia €, nous sommes déjà à 280 Mia € de dette publique.
En outre, l’aide accordée en juin dernier par la Troïka (UE, FMI et BCE), remboursable en 2015 et qui s’élevait à 70 Mia € ne figure pas non plus dans la base du calcul de la dette publique.
La dette publique grecque actuelle s’élève donc à 350 Mia €. Effacer 100 Mia revient donc à un « haircut » de moins de 30%.
D’après le dernier rapport de la Troïka qui n’est pas diffusé, mais dont le Bild semble avoir obtenu une copie, la dette publique de la Grèce atteindra 152% du PIB en 2020, et toujours 130% en 2030. Dans 20 ans, ce pays sera toujours en faillite…
Cet abandon de créance ne sera pas suffisant. Nous attendons le prochain sommet pour le vérifier.
Qui détient la dette grecque ? (update) 50% pour 10 banques
D'un rapport établi par Barclays Capital, il ressort que la dette grecque peut assez facilement être individualisée par établissement financier.
Hormis la BCE et ses actionnaires, les banques centrales, qui détiendraient 62.1Mia de dette émise sous forme d'obligations souveraines, l'on trouve l'état grec qui via ses fonds publics qui devaient assurer le financement des retraites des fonctionnaires - la plus grosse proportion de la population active - en possède 30 Mia.
Les premières banques privées qui y sont répertoriées sont locales : la banque du Pirée, puis EFG, avec respectivement 8 et 9 Mia € de créances douteuses. Un peu plus loin, l'on retrouve ATE, Alpha Bank, la banque de la poste, Marfin, et la banque de Chypre.
Ensuite viennent les banques étrangères :
l'ancienne allemande Depfa, qui fut nationalisée au plus fort de la crise en 2008, qui transfère donc au contribuable allemand ses 6.3 Mia € d'obligations grecques ; BNP-Paribas (5 Mia), Dexia (3.5 Mia), mais encore Generali, Commerzbank, Société Générale, ING, Ageas - que l'on vend encore comme une société d'assurances sans plus de risque - qui ont toutes une exposition entre 1 et 3 Mia €.
Voir apparaître les assureurs Generali, Groupama, CNP, Axa, Allianz, Ageas, dans cette liste nous confirme que notre credo régulier "fuir l'investissement dans tout établissement financier, de banque ou d'assurance" continue d'être sage, alors que certains doutent encore de l'exposition du secteur de l'assurance à la crise de la dette européenne.
En dette cumulée, si l'on tient compte des prêts privilégiés du FMI et de l'UE, non adossés à une émission d'obligations, l'on peut constater que plus de 50% de cette dette est dans des mains publiques, les mêmes qui mettent en place les plans de secours et de relance.
Ceci va donc rendre plus facile l'acceptation de la dernière étape de la fuite en avant, qui consiste en un "roll-over", une extension de la maturité de la dette grecque, proposée par l'Europe, à l'initiative de la France et l'Allemagne.
On comprend leur empressement, en voyant le tir groupé de réductions de valeur à venir pour le tandem franco-allemand dans cette liste.